Quand la communication verte devient un risque managérial : l’affaire TotalEnergies

Cet article propose une analyse croisée, juridique et managériale, de la condamnation récente de TotalEnergies pour pratiques commerciales trompeuses liées à sa communication environnementale. Je vous propose en complément une analyse juridique sous la forme d’un syllogisme détaillé. Cela pourra servir de base pour une exploitation en classe en veillant à adapter le niveau de technicité aux publics visés.

Cette décision de justice illustre la montée en puissance du droit de la consommation environnementale et la nécessité, pour les entreprises, d’une RSE sincère et intégrée à leur stratégie.
Elle constitue un cas d’école mobilisable dans les enseignements d’économie-gestion, de management et de droit, pour les filières STMG, BTS et CPGE.

 

Une première historique : TotalEnergies face à la justice pour pratiques commerciales trompeuses

Le 31 octobre 2025, le tribunal judiciaire de Paris a condamné TotalEnergies pour pratiques commerciales trompeuses, estimant que sa communication sur la neutralité carbone à 2050 et la transition énergétique induisait le consommateur en erreur.
Cette action a été portée par Greenpeace France, Les Amis de la Terre et Notre Affaire à Tous. Le groupe était accusé de greenwashing, présentant une image « verte » alors que 75 % de ses investissements restaient sur les énergies fossiles.
Le tribunal a considéré que ces messages pouvaient induire en erreur le consommateur moyen, constituant une violation de l’article L.121-2 du Code de la consommation.


Les enjeux juridiques : une jurisprudence environnementale

Cette décision marque un tournant jurisprudentiel. Elle étend le droit de la consommation à la véracité des engagements environnementaux et pose l’obligation de cohérence entre communication et pratiques réelles.
Elle s’inscrit dans le contexte européen de la Green Claims Directive (2024) et rejoint des affaires antérieures :
 – Volkswagen (Dieselgate, 2015) pour tromperie sur les émissions ;
 – H&M (collection Conscious, 2022) pour des engagements environnementaux insuffisamment vérifiés.


Les enjeux managériaux : RSE, gouvernance et performance globale

Le cas TotalEnergies illustre les risques d’une RSE insincère ou cosmétique, concept étudié par Lipovetsky, qui évoque la RSE comme un dispositif de pose, et par Morsing & Schultz, qui soulignent le risque d’une communication instrumentalisée.
D’autres auteurs, comme Bénabou & Tirole (2010) montrent que ces démarches peuvent améliorer l’image à court terme mais ne modifient pas la « stratégie réelle ».
Selon Carroll (1991) et Porter & Kramer (2006), la RSE véritable repose sur une intégration réelle aux activités de l’entreprise, ce qui permet de viser une performance globale en respectant les trois dimensions du triple bottom line : économique, sociale et environnementale.

L’affaire TotalEnergies illustre les tensions entre deux logiques de gouvernance :

 – Actionnariale, selon Jensen & Meckling (1976), centrée sur la maximisation de la valeur pour les actionnaires ;

 – Partenariale, défendue par Freeman (1984), qui invite à intégrer les attentes des parties prenantes dans la stratégie de l’entreprise.

Lorsque la première domine, la RSE devient souvent un outil de communication, au service de l’image plutôt que du changement. C’est cette dérive qu’analyse Lipovetsky, évoquant une RSE comme « dispositif de pose », séduisante, mais superficielle.
Une gouvernance réellement partenariale repose au contraire sur une RSE sincère, contribuant à la performance globale selon la logique du triple bottom line (économique, sociale, environnementale).

TotalEnergies rappelle à travers cette affaire qu’entre discours vert et transformation réelle, le fossé peut coûter cher en crédibilité et en capital réputationnel comme en justice.   


Le rôle clé des parties prenantes

L’affaire montre l’importance d’une gouvernance partenariale : l’entreprise est désormais évaluée par ses actionnaires et par un écosystème d’acteurs (ONG, consommateurs, investisseurs, médias).

 – Les ONG jouent un rôle de contre-pouvoir ;
 – Les consommateurs sont protégés par le droit ;
 – Les investisseurs examinent la crédibilité des engagements climatiques.


En définitive, l’affaire TotalEnergies marque une étape charnière dans la construction d’un nouveau modèle de gouvernance responsable. Elle rappelle que la communication écologique ne peut plus se substituer à l’action réelle, et que la RSE, pour être crédible, doit être incarnée dans la stratégie, la gouvernance et les décisions opérationnelles.
Cette condamnation consacre la montée en puissance d’un droit de la consommation environnementale, mais elle agit aussi comme un révélateur managérial : les entreprises ne peuvent plus se contenter d’une RSE « cosmétique », au risque de perdre la confiance de leurs clients, de leurs partenaires et de leurs salariés.

Dans un contexte où la performance globale se mesure désormais à l’aune du triple bottom line (économique, social, environnemental), la sincérité devient un impératif stratégique autant qu’éthique. C’est en assumant une gouvernance partenariale, ouverte et transparente, que les entreprises pourront concilier rentabilité, durabilité et légitimité sociale.

En résumé : la planète exige des preuves, le tribunal aussi et les parties prenantes veillent au grain.

M. E.

En bonus – Le raisonnement juridique de l’affaire TotalEnergies : un syllogisme appliqué

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Greenpeace remet en cause le calcul des émissions de gaz à effet de serre de TotalEnergies. © AFP - Denis Charlet / Capture Greenpeace