L’apprentissage en France après la réforme de 2018 — Synthèse du rapport Trésor-Éco (nov. 2025)
Selon le rapport Trésor-Éco n°376 (novembre 2025), l’apprentissage a connu une croissance sans précédent depuis la réforme de 2018. Cette note officielle analyse l’évolution du nombre d’entrées, des profils des apprentis et des entreprises formatrices, ainsi que les effets observés sur l’insertion professionnelle.
Vous trouverez ici une analyse synthétique qui pourra permettre aux enseignants de BTS de mieux comprendre les évolutions récentes de l’apprentissage, leurs impacts sur les parcours des apprenants et les enjeux pédagogiques qui en découlent pour nos formations du supérieur.
1. Une croissance très forte depuis 2018
Le rapport indique que le nombre d’entrées en apprentissage est passé de 306 000 en 2017 à 879 000 en 2024, soit +187 %, pour atteindre plus d’un million d’apprentis en cours de contrat fin 2024.
Cette dynamique est liée à plusieurs évolutions institutionnelles : libéralisation de l’ouverture des CFA, nouveaux circuits de financement (France Compétences, Opco), aides financières à l’embauche et assouplissement du cadre juridique du contrat d’apprentissage.
2. Un coût public en nette augmentation
Selon le rapport, le coût de l’apprentissage pour les finances publiques s’élevait à 6,1 Md€ en 2018, puis 14,9 Md€ en 2023, soit environ 14 700 € par apprenti.
Ces dépenses comprennent :
- 8,5 Md€ dédiés au financement des CFA ;
- 4,3 Md€ d’aides aux employeurs ;
- 2,1 Md€ d’exonérations ou dotations diverses.
Le rapport souligne que le coût par apprenti est nettement supérieur à celui observé en Allemagne, tout en rappelant que cette comparaison doit être interprétée avec prudence compte tenu de différences structurelles entre les deux systèmes.
3. Une évolution marquée du profil des apprentis et des entreprises
3.1. Une forte hausse des effectifs dans l’enseignement supérieur
Le rapport indique une augmentation notable des entrées de 67 100 à 345 400 apprentis en licence ou master entre 2018 et 2024, soit +415 %.
En 2024, 61 % des apprentis préparent un diplôme du supérieur, contre 39 % en 2018.
3.2. Une concentration dans les services
La part des apprentis employés dans le secteur tertiaire est passée de 61 % en 2018 à 74,4 % en 2024.
3.3. Les entreprises de plus de 250 salariés accueillent davantage d’apprentis
La proportion d’apprentis employés par des entreprises de plus de 250 salariés (catégorie incluant ETI et grandes entreprises) est passée de 20,7 % en 2018 à 23,5 % en 2024.
4. Une composition sociale contrastée selon les niveaux de formation
Selon le rapport :
- dans le secondaire professionnel, les apprentis sont moins souvent issus de milieux défavorisés que les élèves sous statut scolaire (56 % contre 66 %) ;
- dans l’enseignement supérieur, la situation est inversée : 38 % des apprentis sont d’origine sociale défavorisée (contre 33 % des étudiants de la voie scolaire).
Les auteurs évoquent notamment l’effet des frais de scolarité pris en charge par les entreprises dans certaines formations.
5. Une insertion professionnelle en général plus favorable, surtout aux niveaux les plus bas
Les données disponibles dans le rapport montrent que :
- au niveau CAP, 63 % des apprentis diplômés en 2021 sont en emploi 18 mois plus tard, contre 36 % des élèves de la voie scolaire ;
- l’écart diminue avec le niveau : il est d’environ 6 points au niveau master.
Les auteurs précisent que :
- ces écarts sont descriptifs ;
- l’apprentissage semble apporter un avantage en début de carrière, notamment grâce à la rétention des apprentis par leur entreprise formatrice ;
• dans le supérieur, l’effet est plus limité selon les études citées ;
• les effets à long terme sont encore peu documentés.
6. Enjeux et pistes pour les enseignants de BTS accueillant des apprentis
6.1. Renforcer l’articulation pédagogique CFA – entreprise
L’insertion favorable observée pour les apprentis est liée à l’expérience en entreprise.
→ Formaliser des points d’étape, suivre les missions confiées, structurer les échanges pédagogiques.
6.2. Soutenir la réussite académique
Le rapport souligne que les taux de réussite peuvent être inférieurs pour les apprentis dans certaines filières, comme le BTS (ex. 73,1 % vs 80,4 % en 2023 selon la DEPP).
→ Mettre en place tutorat, accompagnement méthodologique, organisation de rattrapages.
6.3. Adapter les contenus aux évolutions du secteur tertiaire
Le tertiaire représente désormais plus de 74 % des contrats.
→ Intégrer des cas issus des services, actualiser les références professionnelles.
6.4. Travailler les compétences transférables
Le rapport indique que l’apprentissage développe des compétences spécifiques à l’entreprise.
→ Renforcer en cours les compétences transversales (organisation, communication, numérique).
6.5. Informer sur le cadre juridique et financier de l’apprentissage
Les évolutions récentes des aides à l’embauche ou du financement nécessitent une information à jour pour les étudiants.
→ Prévoir des séances dédiées CDD/CDI, rémunération, droits sociaux, rôle des Opco.
6.6. Soutenir les apprentis issus de milieux modestes dans le supérieur
Ils y sont légèrement plus représentés selon le rapport.
→ Proposer un accompagnement sur les codes professionnels, l’accès au réseau, la prise de parole.
Conclusion
L’analyse du rapport Trésor-Éco n°376 montre que l’apprentissage occupe désormais une place centrale dans l’enseignement professionnel et dans l’accès à l’emploi, en particulier pour les niveaux Bac+2. La très forte croissance des effectifs, la prédominance du secteur tertiaire et les besoins accrus des entreprises, y compris celles de plus de 250 salariés, font des formations de BTS un maillon essentiel de cette dynamique.
Pour les enseignants d’économie-gestion, ces évolutions appellent plusieurs attentions particulières. La réussite des apprentis dépend étroitement de la qualité de l’articulation entre l’établissement et l’entreprise, ainsi que de l’accompagnement pédagogique proposé pour soutenir l’apprentissage méthodologique, la compréhension des attendus professionnels et la consolidation des compétences transversales.
Les données du rapport montrent aussi que certaines catégories d’étudiants, notamment ceux issus de milieux modestes dans le supérieur, peuvent nécessiter un suivi plus ciblé.
Dans un contexte où l’apprentissage joue un rôle croissant dans l’insertion professionnelle, les équipes de BTS ont donc un rôle décisif : structurer le dialogue avec les entreprises, sécuriser les parcours, anticiper les difficultés scolaires liées au rythme alterné et offrir un cadre pédagogique qui permette à chaque apprenti d’articuler efficacement formation et expérience professionnelle.
En ce sens, les constats du rapport constituent un appui utile pour ajuster les pratiques, renforcer la cohérence des formations et contribuer pleinement à la montée en compétence des futurs techniciens supérieurs.
M. E.