Derrière chaque prénom, il y a une histoire, une identité, un élève qui attend d’être reconnu. Retenir les prénoms, ce n’est pas seulement une marque d’attention : c’est un levier relationnel fondamental.
Selon la thèse de Stéphanie Leloup sur l’ennui scolaire, les élèves considèrent qu’un « bon prof » est un prof qui les connaît vraiment… et cela commence souvent par leur prénom. Cela est confirmé par les travaux d’Éirick Prairat qui rappellent l’importance du tact éducatif, cette capacité à voir l’élève dans sa singularité, à conjuguer exigence et bienveillance sans jamais perdre de vue la personne derrière l’élève.
Mémoriser les prénoms, c’est donc poser les bases d’un climat de confiance, construire une relation pédagogique plus juste, mais aussi affirmer d’emblée le cadre et la présence de l’enseignant.
Mais la tâche peut vite devenir complexe : classes nombreuses, emploi du temps chargé, visages qui se confondent… Retenir les prénoms n’a rien d’évident, surtout lorsque l’on débute l’année avec plusieurs groupes.
Dans cet article, je propose 5 méthodes simples, faciles à mettre en oeuvre et adaptables pour mémoriser plus facilement les prénoms de vos élèves dès les premiers jours. À vous de piocher, de tester, et surtout d’adapter ces idées à votre style et à votre contexte d’enseignement.
Conseil 1 – Faire de l’appel un temps de mémorisation
Le premier appel ne sert pas qu’à vérifier une liste de présents : c’est une vraie opportunité pour amorcer la mémorisation des prénoms. En prenant le temps d’observer chaque élève et en notant quelques repères visuels ou relationnels, vous posez les bases d’une connaissance fine et durable de chacun et chacune.
- Faites l’appel en regardant chaque élève et en notant une particularité : tenue, posture, façon de répondre, ton de voix, etc.
- Complétez ces notes au fil des échanges : centres d’intérêt, difficultés exprimées, détails marquants… autant d’indices qui renforcent la mémorisation et enrichissent la relation pédagogique.
- En fin de journée ou de semaine, relisez et complétez vos notes (centres d’intérêt, anecdotes marquantes, liens familiaux dans l’établissement) pour enrichir et consolider votre mémoire.
Conseil 2 – Multiplier les occasions de dire les prénoms
Pendant les premières semaines, n’hésitez pas à sur-utiliser les prénoms. En les répétant souvent, même avec hésitation, vous renforcez leur mémorisation, tout en montrant aux élèves que vous faites un effort pour les connaître. Ce simple geste crée une relation de confiance et de reconnaissance mutuelle.
- Utilisez systématiquement le prénom de l’élève lorsque vous l’interrogez, l’encouragez ou lui donnez une consigne.
- N’ayez pas peur de prendre un ton interrogatif en cas de doute : « C’est bien toi, Clara ? » ou « Tu t’appelles Yanis, c’est ça ? ».
- Faites de cette phase d’apprentissage une démarche assumée et visible : les élèves y sont sensibles et bienveillants à ce moment-là de l’année.
Conseil 3 – Créer des associations mentales
Associer un prénom à un élément visuel, sonore ou personnel facilite grandement sa mémorisation. Cela peut être un objet, une personne que vous connaissez, une célébrité ou même une particularité physique ou vestimentaire de l’élève. Plus l’image est vive ou singulière, plus elle s’ancrera dans votre mémoire.
- Reliez chaque prénom à un repère visuel : Inès avec les lunettes rouges, Rayan le grand blond au fond de la classe, etc.
- Faites des liens avec des personnes que vous connaissez déjà : elle me fait penser à Manon, ma nièce ; il a la même voix que mon ancien élève Hugo, etc.
- En cas de blocage, inventez une petite image mentale originale : Léa = lilas ; Noé = bateau… même si c’est absurde, ça marche !
Conseil 4 – Jouer avec les sons et les mots
Les moyens mnémotechniques (rimes, allitérations, petites histoires) sont des alliés redoutables pour retenir les prénoms. En transformant un prénom en formule rythmée ou en l’intégrant dans un récit bref et marquant, vous facilitez son ancrage en mémoire — surtout si la construction vous amuse ou vous parle.
- Créez de petites formules sonores : Gentil Gabriel, Souriante Sarah, Lina la Ballerina, etc.
- Inventez des micro-histoires dans votre tête : Clément qui collectionne les crayons, Maya qui murmure même quand elle répond, Camille qui grimpe aux arbres, Maëlys qui arrive toujours avec un grand sourire.
- N’hésitez pas à vous appuyer sur les remarques faites par les élèves eux-mêmes : une passion, une phrase marquante, un détail partagé en début d’année peut devenir un point d’accroche.
Conseil 5 – Pratiquer le plus régulièrement possible
Retenir les prénoms n’est pas une question de don, mais d’entraînement. Comme pour toute compétence, la mémorisation s’améliore avec la pratique. En vous fixant des objectifs progressifs, vous renforcez votre capacité à ancrer durablement les prénoms… sans pression inutile.
- Révisez mentalement les prénoms entre deux cours ou en fin de journée : Qui était au fond à droite ? Comment s’appelait la première à avoir pris la parole ?
- Donnez-vous un objectif raisonnable : apprendre 5 nouveaux prénoms par classe chaque jour ou chaque semaine.
- N’hésitez pas à refaire un appel volontairement lent, ou à tester vos souvenirs en début d’heure, de façon ludique et assumée.
Connaître les prénoms n’est évidemment pas une fin en soi, mais un point de départ essentiel. Cela ne garantit pas une année facile, mais permet de mieux interpeller, mieux écouter, mieux ajuster nos exigences… bref, d’enseigner à des élèves et non pas à une liste.
Auteur : Mickaël Bertrand, professeur d’histoire, géographie et EMC en lycée et en milieu carcéral depuis 16 ans
